LA TRAGEDIE AU CINEMA

Résumé de la conférence

 

« LES PERSES »

- LES PERSES d’Eschyle (472 av. J.C)

Pièce jouée en 472 av J.C au théâtre de Dionysos à Athènes. Elle fait partie d’une tétralogie (3 tragédies + 1 drame satyrique). C’est la plus ancienne pièce de théâtre grec dont on ait conservé le texte. Elle a été écrite après les batailles victorieuses de Salamine et de Platées (Eschyle avait participé à celle de Salamine). 1ère victoire de l’Occident hellénique contre le « barbare » oriental.

Le texte raconte le retour de Xerxès, le roi perse, à Suse, après ses défaites. Il ne se passe rien sur la scène. Les évènements sont passés et on se contente de les raconter ou à venir et on les prédit. Le spectateur les connaît et vit dans l’attente de la catastrophe. On trouve ici les 2 élements essentiels de la tragédie grecque : les lamentations et le récit épique.

Moments importants de la pièce : le récit du messager, la prophétie de Darius (père de Xerxès) et le songe d’Atossa (reine et mère de Xerxès).

Les personnages sont très peu nombreux : Xerxès, Atossa et l’ombre de Darius, un messager. Le chœur est composé de vieux Perses.

- LES PERSES  théâtre télévisé de Jean Prat (1961)

Adaptation télévisée de la pièce d’Eschyle sous la forme d’un oratorio qui a été diffusée le 31//1961 sur RTF Télévison et sur France IV (radio en FM), puis en 1966 et enfin en 1975. Il fallait placer la radio derrière la télévision pour avoir la stéréophonie.

Distribution :

Le Coryphée : F. Chaumette, Le messager : M. Garrel,  la Reine Atossa : Maria Mériko, Darius : René Arrieu et Xerxès : C. Martin

Parmi les choreutes : C. Denner, A. Oumansky et A. Thorent.

Musique : Jean Prodomidès   Masques : C. Cives et Décor : J.J Gambut

L’histoire est la même que celle d’Eschyle mais le texte a été simplifié par Jean Prat. Tous les acteurs portent des masques comme dans l’Antiquité (inspirés des bas-reliefs antiques). Ils n’étaient pas destinés à amplifier la voix des acteurs mais pour donner un caractère hiératique et irréel aux personnages. Les acteurs sont souvent immobiles et lorsqu’ils se déplacent c’est avec lenteur et sur des souliers hauts (cothurnes). Le décor est en polystyrène, dépouillé et stylisé (ciel avec quelques nuages).

Critiques : Spectacle trop intellectuel pour certains journalistes, pour d’autres (dont F. Mauriac) une vrai chef-d’œuvre.

« IPHIGENIE »

- IPHIGENIE A AULIS d’Euripide (414 av. J.C)

Ecrite en 406. Elle a été précédée en 414 d’une autre pièce « Iphigénie en Tauride »

La pièce commence par le remords d’Agamemnon. En effet, il avait demandé à Clytemnestre, sa femme de conduire Iphigénie, leur fille, à Aulis pour la marier à Achille. EN fait, il voulait la sacrifier à Artémis afin de permettre à la flotte grecque d’appareiller pour Troie. Il charge un messager de porter une lettre à son épouse pour lui dire de rebrousser chemin. Mais Ménélas, le frère d’Agamemnon, intercepte la lettre et demande des explications à son frère. Ménélas annonce qu’il renonce au sacrifice et à la guerre pour reprendre Hélène mais Agamemnon, par peur de l’armée et d’Ulysse se résigne au sacrifice. Lorsqu’elles apprennent le but réel d eleur voyage, les deux femmes demandent l’aide d’Achille qui promet de les défendre. La guerre civile menace le camp grec. Iphigénie accepte alors d’être sacrifiée au nom de la Grèce. Un messager raconte le sacrifice et on apprend qu’au dernier moment, Iphigénie a été remplacée par une biche par Artémis. Agamemnon fait alors ses adieux à sa femme et part pour Troie.

 

- IPHIGENIE : film de Michael Cacoyannis (1977)

Film présenté au Festival de Cannes. Il termine la trilogie antique du réalisateur après « Electre » et « Les Troyennes ».

Fiche technique : Scénario : Michael Cacoyannis d’après Euripide

Budget : 25 M de drachmes.   

Musique : Mikis Théodorakis

Distribution : Iphigénie : Tatiana Papamoschou             Clytemnestre : Irène Papas

Agamemnon : Kostas Kazakos                                  Ménélas : Kostas Carras

Récompenses : Nomination pour la Palme d’Or au Festival de Cannes 1977

Résumé : On est encore très proche du déroulement de la tragédie mais l’action du film démarre avant.

Comme les vents ne se lèvent pas pour que la flotte grecque appareille pou Troie, le devin Calchas affirme qu’Artémis exige pour permettre à la flotte de partir le sacrifice de la fille d’Agamemnon, Iphigénie pour laver la faute de ce roi (qui se serait proclamé meilleur chasseur qu’elle). Après d’âpres discussions entre les chefs de l’armée (Ménélas et Ulysse), Agamemnon décide de faire venir Iphigénie à Aulis sous prétexte de la marier à Achille. Au moment où Agamemnon, pris par le remords, a décidé d’envoyer un message pour annuler sa venue (ce qui constitue le début de la tragédie d’Euripide), Ménélas intercepte la lettre puis, sur les instigations de son frère, renonce au sacrifice et à la guerre. Mais on apprend alors qu’il est trop tard puisque les deux femmes sont déjà là et que les soldats les ont vues. Clytemnestre supplie son mari et Achille de sauver sa fille mais Iphigénie qui a entendu la discussion, supplie d’abord son père de l’épargner puis, comprenant le sens de son sacrifice pour la Grèce, elle accepte de marcher vers la mort.

 

Cacoyannis a opéré plusieurs changements par rapport à la tragédie pour l’adaptation cinématographique :

-        le chœur est remplacé par les soldats grecs.

-        Ménélas et Ulysse, simplement mentionnés dans la pièce, prennent corps

Mais, comme chez Euripide, la fin est volontairement ambiguë. Bien qu’Euripide fait dire que la jeune fille est remplacée par une biche au moment de sa mort, l’évènement n’est dépeint ni dans la pièce (description du messager) ni dans le film où le public voit seulement l’expression interdite d’Agamemnon.

Critique : Le film est encore très proche de la tragédie. Le décor est grec, les costumes sont grecs et tels qu’on les voit sur les vases antiques mais le chœur a disparu. Les rôles secondaires son étoffés et la fin est ambiguë.

 

« ŒDIPE ROI »

- ŒDIPE ROI de Sophocle (430-420 av. J.C)

Tétralogie dramatique comprenant deux autres tragédies et un drame satyrique. Elle met en scène la découverte par Œdipe de son terrible destin.

Prologue : Audience accordée par Œdipe, roi de Thèbes à un prêtre et à des enfants venus lui demander de trouver l’origine de la peste qui s’abat sur la ville. Après avoir vaincu le Sphynx, Œdipe a épousé Jocaste, la reine de la ville et veuve de Laïos, son premier époux mort dans des circonstances mal connues. Œdipe a déjà envoyé son beau-frère, Créon, consulter l’oracle de Delphes. A son retour, Oedipe apprend qu’Apollon est courroucé par la mort de Laïos dont le meurtrier court toujours. Œdipe est donc prêt à tout faire pour punir le meurtrier.

1er épisode : Entrevue avec le devin Tirésias qui dit qu’Œdipe est la cause de la peste. Œdipe l’accuse alors de complot contre lui avec Créon. Tirésias fait alors allusion à ses parents qu’il n’a jamais connus. Avant de partir, il précise que le meurtrier est un Thébain, qu’il a commis un inceste et un parricide et qu’il sera aveugle et mendiant après avoir vécu dans l’opulence.

2ème épisode : Confrontation Œdipe-Créon venu se défendre des accusations portées contre lui. Oedipe l’interroge sur les circonstances de la mort de Laïos. Finalement Créon est condamné au bannissement.

Jocaste, apprenant que Tirésias accuse Œdipe de la mort de Laïos, lui raconte l’oracle que le roi avait reçu jadis : il devait mourir de la main d’un enfant né de Jocaste, ce qui n’a pas été le cas, puisqu’il a été tué par des étrangers sur une route et que leur enfant, exposé dès sa naissance, devait être mort.

Oeipe, plus inquiet, interroge Jocaste sur le lieu et le moment du meurtre ; Celle-ci dit tenir ces renseignements du seul serviteur survivant. Œdipe le fait donc venir.

Dans l’intervalle, Œdipe raconte à Jocaste son enfance. Il se croyait le fils du roi de Corinthe mais en allant interroger l’oracle de Delphes, il apprend seulement qu’il commettrait un inceste et un parricide, ce qui lui fait quitter Corinthe. Parvenu à un carrefour, il a une altercation avec un vieil homme en chariot qu’il tue ainsi que toute sa suite.

3ème épisode : Arrivée d’un messager qui apprend à Œdipe la mort du roi de Corinthe. Celui-ci se moque alors des oracles mais craint toujours l’inceste car la reine de Corinthe est toujours en vie. Le vieillard lui apprend que ce ne sont pas ses vrais parents et que c’est lui qui leur a confié le petit Œdipe « aux pieds enflés » par les cordes, après son abandon sue le mont Cithéron. Il précise même que le bébé lui a été remis par un berger, serviteur de Laïos, celui-là même qu’Œdipe recherche. Jocaste, troublée, se retire dans le palais. Le berger arrive enfin et révèle la vérité : il est bien le fils de Laïos et de Jocaste.

Exodos : Un serviteur vient raconter le dénouement. Jocaste s’est pendue dans le palais. Œdipe, arrivé trop tard pour empêcher le suicide, s’est crevé les yeux pour ne plus voir la lumière du jour. Œdipe revient alors sur scène, aveugle et il se lamente sur son sort. Il demande à Créon revenu d’exil de le bannir et il s’en va après avoir parlé une dernière fois à ses deux filles, Antigone et Ismène, nées de son inceste.

 

- OEDIPE ROI de Pier Paolo Pasolini (1967)

Musique : Quattuor en ut majeur K 465 de Mozart, Chantspopulaires roumains ; musique japonaise ancienne.

Distribution : Œdipe : Franco Citti     Jocaste : Silvana Mangano

Production : Le film a été tourné au Maroc, dans les ruines antiques, ce qui lui confère une atmosphère étrange, presque mystique.

Résumé et critique : Film en 3 volets

1)              Volet freudien : Prologue muet reconstituant brièvement la petite enfance du réalisateur dans les années 20 à l’époque de son complexe d’Œdipe : le père, jeune officier, jaloux de l’amour que sa femme porte à leur fils, serre un soir les pieds de l’enfant jusqu’à le faire pleurer (transition avec le 2ème volet)

2)              Volet Sophocle : La plus grande partie du film assez proche de la tragédie de Sophocle. Désert blanc marocain et paysage africain qui renvoie à la sauvagerie de la Grèce mythologique et à l’esthétique d’un Pasolini hanté par la culture populaire primitive

3)              Volet marxiste : Il situe Œdipe dans un schéma social, politique et existentiel. Le mythe est ramené aux dimensions humaines. Nous sommes en 1967 et Œdipe, devenu aveugle, est devenu un vagabond. Il est accompagné d’Angélo, le jeune homme qui guidait Tirésias. Ils se trouvent d’abord sous les arcades dites de la Mort à Bologne puis le long d’un mur triste évoquant les usines et le prolétariat. Œdipe a repris la flûte de Tirésias ce qui montre qu’il est devenu prophète.

Le film met en scène le mythe de l’homme à la recherche de la vérité, le bourgeois parricide (Œdipe) qui s’engage aux côtés des prolétaires. Les dernières images montrent une campagne riante. On revient dans le pré où la mère donnait le sein à son bébé dans le prologue. La boucle es bouclée.

 

« MEDEE »

- MEDEE d’Euripide (431 av.J.C)

Pièce représentée un an avant l’Œdipe roi de Sophocle qui traite de la fin de l’histoire de Jason et Médée qui ont tous deux fui à Corinthe après que Médée a tué Pélias par amour pour Jason (Toison d’Or)

Résumé : Jason a répudié Médée pour épouser la princesse royale qu’il ne semble pas aimer. Mais cela provoque chez Médée des pulsions de mort d’autant plus fortes que Créon lui a signifié son exil ainsi que celui de ses fils. Ayant obtenu un jour de délai, elle projette de se venger de Jason, de sa nouvelle épouse et de Créon. Elle est soutenue par le roi Egée venu en visite à Corinthe. Plutôt que de tuer Jason, elle décide alors de lui enlever toute raison de vivre. Elle feint une réconciliation avec lui et, sous prétexte d’éviter à ses enfants l’exil, elle les charge d’offrir une magnifique parure enduite de poison à la jeune mariée qui meurt dans d’atroces souffrances,tout comme Créon qui essaie de la sauver. Médée, bien que tiraillée entre son amour maternel et son désir de vengeance, tue ensuite ses deux enfants en prétextant qu’elle veut les sauver de la vengeance des Corinthiens. Au moment ou Jason découvre ce double meurtre, Médée, du haut d’un char aérien envoyé par Hélios, le nargue cruellement en lui refusant de rendre tout hommage funèbre à ses deux fils. Jason s’écroule tandis que le char emmène Médée vers Athènes.

Analyse : Le chœur de Corinthiennes ne joue pas un grand rôle. Jason a plusieurs défauts : l’autosatisfaction, la recherche de son intérêt, le sentiment de supériorité du Grec par rapport à la « Barbare », i,e sensibilité à la flatterie et un machisme certain mais, à la fin, on comprend sa souffrance. Euripide réussit la gageure de rendre Médée à la fois humaine et monstrueuse. Les dieux son déconcertants car ils sont invoqués par les deux parties, tantôt pour justifier la vengeance, tantôt pour la dénoncer.

 

- MEDEE de Pier Paolo Pasolini (1971)

Le film respecte l’histoire de Médée mais il remonte plus loin dans le mythe.

Résumé : Médée est la fille d’un roi qui règne sur un peuple cruel et barbare dans une contrée sauvage et lointaine (sacrifices humains devant la Toison d’Or). Le Centaure Chiron apprend à son élève, Jason, fils d’Iolcos, qu’il est l’héritier du trône de Thessalie. Il réclame son dû au roi Pélias, son oncle qui lui promet la couronne en échange de la Toison d’Or (symbole de prospérité) gardée en Colchide, ce qui entraîne l’expédition des Argonautes. Médée s’éprend de Jason et, avec l’aide de son frère, elle lui livre la Toison et s’enfuit avec lui. Mais pour éviter d’être rattrapés par l’armée du roi, Médée tue son frère, Abspyrtos et le découpe en morceaux pour retarder les poursuivants.

Dix ans plus tard, Médée a refait sa vie à Corinthe avec Jason et ses deux enfants. Mais Jason a des ambitions et il désire se marier avec la fille du roi. Ce dernier, pensant qu’elle st toujours magicienne, décide de l’exiler. Folle de douleur, Médée évoque ses anciens dieux et ourdit un plan. Ayant obtenu un jour de répit, elle feint l’apaisement et envoie une robe empoisonnée à la jeune épouse qui meurt dans d’intenses souffrances avec son père. Médie tue ensuite ses propres enfants et met le feu à sa maison avant de s’enfuir en maudissant Jason.

Distribution : médée : Maria Callas         Jason : Giuseppe Gentile     Le Centaure : Laurent Terzieff

Analyse et critique : C’est un film qui explore les origines du mythe et du sacré. L’auteur veut insister sur une période de transformations des valeurs culturelles en Occident. Il montre les contradictions de son époque, la fin de la civilisation paysanne et la naissance d’un nouveau monde (capitalisme et consommation). Le film joue sur les antinomies : homme et femme, civilisation et barbarie. Lutte entre le monde rationnel, technique, rusé et jouisseur de Jason et le monde religieux, brut, sacré de Médée (la Colchide). L’infanticide est représenté ici comme un sacrifice (bain, musique, couteau) mais privé de son sens originel (soubresaut d’un monde révolu.