RESUME DE LA GUERRE GRECO-TURQUE 1919 - 1922

 

 

SITUATION DE LA GRECE PENDANT LA 1ère GUERRE MONDIALE (1915-1917)

Constantin 1er, pro-Allemand (marié à Sophie de Prusse, sœur du Kaïser Guillaume II) veut rester neutre.

Vénizélos son 1er Ministre est favorable aux Alliés (France, Grande Bretagne, Italie,). Il est renvoyé. Il se réfugie à Thessalonique où il fonde un « Comité de Défense Nationale ».

2 gouvernements : Au Sud (Athènes) dirigé par le roi Constantin 1er

                      Au Nord (Thessalonique) avec comme chef, E.Vénizélos

                      Zone tampon entre les deux gérée par les Alliés

12 juin 1917 : Les Alliés menacent de débarquer au Pirée. EXIL de Constantin (et non abdication). Arrivée au pouvoir d’Alexandre 1er, son 2ème fils) favorable aux Alliés.

17 juin 1917 : La Grèce unie entre en guerre aux côtés des Alliés.

21 juin 1917 : Vénizélos forme un nouveau gouvernement.

 

SITUATION DE LA TURQUIE

Opposition, comme en Grèce, entre deux pouvoirs qui coexistent pendant un temps sur le territoire turc.

Le Sultan Mehmet VI s’oppose à Mustapha Kémal et  à son parti des « Jeunes Turcs » fondé en 1908 qui remet en cause le pouvoir du Sultan et veut établir une République laïque.

Le Gouvernement des Jeunes Turcs va mettre en place à partir de 1915 jusqu’en 1922 une politique génocidaire, pour éliminer tous les non musulmans (Grecs, Arméniens) qu’il considère comme des soutiens des Alliés et des ennemis de l’état turc.

-1914 : Massacre d’un grand nombre de Grecs et d’Arméniens en Anatolie

-1915-1923 : Génocide arménien (1.500.000)  Marches de la mort, exécutions…

-1924 : Génocide des Pontes par des incendies et des massacres (350.000)

23 avril 1920 : Election de nouveaux députés à Ankara

29 avril 1920 : le Comité Exécutif est reconnu comme seul gouvernement légal

Guerre civile entre le Sultan et les « Jeunes Turcs » qui aboutit au départ en exil à Malte du Sultan en octobre 1922.

 

LES PREMIERS TRAITES

 

ARMISTICE DE MOUDROS (30 octobre 1918)

Négociations menées par les Britanniques (Somerset Gough Calthorpe) et le 1er Ministre turc (Ahmed Izzet Pacha).

24 doléances toutes négociables (sauf le Bosphore et le Détroit) mais les Turcs les acceptent toutes y compris une clause très vague permettant aux Alliés d’occuper tout endroit du territoire turc en cas de désordre ou de mise en danger des intérêts alliés (art. 7)

Les dispositions de l’armistice

-LaTurquie est réduite à l’Anatolie

-Les Alliés occupent 6 provinces arméniennes (gage) + le Détroit des Dardanelles et le Bosphore

-Les Alliés peuvent occuper le territoire turc si nécessaire

-L’armée turque est démobilisée

CONFERENCE DE PAIX DE PARIS ( janv-août 1919)

Vénizélos a l’occasion de réaliser son rêve de la « Grande Grèce » des 5 mers (Mer noire, Mer de Marmara, Mer Egée, Mer Méditerranée et Mer Ionienne)  et des 2 continents.

Il veut annexer l’Epire du Nord (Albanaise),  toute la Thrace et l’Ouest de l’Asie Mineure (forcing auprès des Alliés)

Les Italiens quittent les négociations en 1917 car ils jugent leurs intérêts dans la région de Smyrne non défendus et ils préparent une extension territoriale.

Lloyd Georges et G. Clémenceau donnent leur feu vert à Vénizélos pour qu’il occupe Smyrne et sa région. Les Grecs débarquent donc le 15 mai 1919.

TRAITE DE NEUILLY (27 novembre 1919)

Il est négocié dans la foulée de la Conférence de Paris. La Bulgarie cède à la Grèce la Thrace Occidentale

LE TRAITE DE SEVRES (10 août 1920)

- La Turquie garde Istanbul (mais démilitarisée) + Anatolie occidentale (sans Smyrne)

- La Grèce obtient Smyrne et sa région, la Thrace Orientale, Imbros et Ténédos (ouverture sur les îles du Dodécanèse)

Les Dardanelles sont démilitarisées et contrôlées par une Commission internationale.

Réalisation de la Grande Idée pour les Grecs.

Mais cette attribution n’est donnée que pour 5 ans (on prévoit un référendum)

Le Traité est rejeté par les « Jeunes Turcs » de Kémal ce qui va entraîner une offensive de l’armée grecque en Turquie pour le forcer à signer.

Attentat royaliste à la Gare de Lyon et retour à Athènes de Vénizélos (fêté par la Nation)

 

LE DEROULEMENT DE LA GUERRE

- Débarquement des Grecs (MAI  1919 - OCTOBRE 1920)

- Offensive grecque (OCTOBRE 1920 – AOUT 1921)

- Contre-offensive turque et reconquête (AOUT 1921 – SEPTEMBRE 1922)

 

- Débarquement des Grecs et occupation de Smyrne

a) 200.000 h au début de la guerre : 80.000 Grecs + 10.000 Arméniens (installés au nord, au centre de la ville et surtout autour

   du CORDON =long quai commerçant)                              

   3000 Levantins (Européens) qui sont au cœur de l’économie et qui disposent de belles demeures dans le quartier du PARADIS

   Plusieurs centaines d’expatriés américains  qui travaillent à la Standard Oil Company)

   25.000 Juifs ( installés dans le centre de la ville

   80.000 Turcs installés au sud de la ville autour du Mont Pagus, population renforcée en 1912 par plusieurs milliers de musulmans 

b) Entrée des Grecs le 15 mai 1919

20.000 soldats grecs entrent dans la ville avec le soutien des Français et des Anglais (cf art. 7 de Moudros). Des échauffourées éclatent suivies de massacres de la population turque.

Occupation de la région environnante au printemps-été 1920.

- Offensive grecque à partir d’octobre 1920

a) ELECTIONS de NOV 1920 : Prévues en octobre mais reportées en novembre (mort d’Alexandre 1er suite à la morsure d’un singe)

Opposition UNIE contre le parti libéral de Vénizélos.

Campagne fondée sur l’arrêt de la guerre et le retour des soldats (population exténuée, caisses de l’état vides, Ionie considérée comme un pays étranger)

Vénizélos est battu malgré un nombre de voix plus important (375.000 contre 368.000 voix). Il obtient 118 sièges contre 251 sièges pour ses opposants conformément au système électoral  prévu pour l’élection des députés suivant les circonscriptions.  Ainsi sur 40 circonscriptions, son parti en gagne 18 et l’Opposition 22. Vénizélos n’est même pas élu Député. Il s’en va en France

b) RETOUR DE CONSTANTIN le 19 décembre 1920

- Les Alliés opposés à Constantin vont commencer à abandonner la Grèce.

- Remplacement des généraux expérimentés (pro-Vénizélos) par des incapables, proches du roi (Anastasios Papoulias devient chef des armées)

c) LES BATAILLES D’INONU (déc. 1920- mars 1921)

Déc. 1920, l’Anatolie est conquise jusqu’à Eskisehir mais les Turcs résistent et remportent  2 victoires  (11 janvier et 27 mars 1921) mais le moral des Grecs reste bon.

- La Grèce a perdu ses alliés (la G.B veut aider la Grèce mais ne veut pas mécontenter les Français favorables à Kémal)

d) RENVERSEMENT DES ALLIANCES

- mars 1921 : Kémal n’a plus de guerre à mener à l’intérieur du pays. Il est plus fort.

- Il signe des traités avec les Fr. et les Italiens (vente d’armes) qui considèrent la Grèce comme un « client de la Grande Bretagne

- Les Italiens mettent à la disposition des Turcs sa base d’Antalya (Italiens) pour obtenir des renseignements

- Les Français abandonnent la Cilicie et donnent aux Turcs des uniformes, des fusils et des avions

- Les Turcs entretiennent également de très bonnes relations avec la Russie bolchevique

e) BATAILLE D’AFYONKARAHISAR –EKSEHIR (27 juin- 20 juillet 1921)

Elle a duré plus de 3 semaines avec des avancées et des reculs de l’armée grecque. Au début, victoire grecque sur Ismet Pacha sur un immense front puis  les Turcs se retirent pour éviter l’encerclement à l’est du fleuve Sakarya).

Les Grecs sont maintenant aux portes d’Ankara ;

f) BATAILLE DE SAKARYA (août-septembre 1921)

Elle dure 21 jours. Les Grecs sont à moins de 100 km et la situation turque est critique (Kémal a remplacé Ismet Pacha).

Affrontement décisif à HAYMANA (40 km). Les 2 armées pensent se retirer mais ce sont les Grecs qui se rabattent sur leurs positions de juin (loin de leur base de ravitaillement, terrain hostile, attaques des irréguliers Turcs et épuisement, trop grand territoire à contrôler). Kémal est nommé Maréchal.

g) L’IMPASSE (septembre 1921- août 1922)

Refus des Alliés d’aider la Grèce. Les Français et les Anglais disent que le Traité de Sèvre n’est plus applicable. Les Italiens et les Français retirent leurs troupes sur place.

Mars 1922 : Demande d’armistice par les Alliés mais refus de Kémal qui a une avance stratégique. Les Turcs renforcent leur armée et les Grecs n’ont plus le moral.

- La contre-offensive turque (août 1922)

a) VICTOIRES TURQUES Contre-offensive lancée le 26 août. 27 août :

- Prise d’AFYON

- 30 août : Prise de DUMLUPINAR ( la moitié des soldats grecs est tuée ou capturée,leur équipement est perdu, Tricoupis et Dionis sont faits prisonniers alors que Tricoupis vient d’être nommé général en chef à la place de Hatzihanestis)

- 2 septembre : Prise d’ESKISEHIR. Athènes demande une trêve par l’intermédiaire des Alliés pour pouvoir garder Smyrne

- 8 septembre : Démission du gouvernement grec

- 9 septembre : Entrée de la cavalerie turque à Smyrne

- 14 septembre : Toute l’armée grecque est expulsée de la Turquie

Kémal se dirige alors vers le Bosphore et les Dardanelles gardées par des troupes alliées mais on évite le conflit surtout avec les Anglais qui tiennent les détroits. Ces derniers forcent même les Grecs à se retirer en Thrace occidentale.

b) LA RECONQUETE DE SMYRNE (9 septembre 1922)

Pendant les dernières semaines de la guerre, on assiste à un afflux de réfugiés venus de toute la Turquie vers Smyrne (10.000, puis 20.000 puis 30.000 par jour) qui viennent s’entasser sur le long quai de Smyrne.

LA TRAGEDIE DE SMYRNE

A l’aube du 7 septembre : Près de 150.000 exilés sont sur le quai de Smyrne. Le Consulat américain crée le « Centre américain de Secours » pour assurer les distributions de nourriture. Les bruits de la défaite grecque arrivent à Smyrne où les réfugiés voient toutes les troupes grecques qui s’en vont avec tous les ressortissants grecs possédant des passeports grecs ( un édit du roi défend aux capitaines de prendre des réfugiés « étrangers » sous peine d’emprisonnement et d’amende)

A l’aube du 9 septembre, seuls restent les bateaux « neutres » qui regardent…

Peu après la cavalerie turque suivie de 2 divisions d’infanterie entre dans la ville. Malgré les ordres de Kémal, Nourrédine Pacha laisse ses soldats massacrer la population grecque . Le Métropolite Chrysostome est torturé et massacré

Le 13 septembre, un incendie se déclare dans le quartier arménien. Propagation du feu très rapide qui détruit tout et se dirige vers le quai. Les réfugiés sont pris entre les flammes derrière eux et la mer devant eux (désordre indescriptible dans la fournaise). Ils tombent dans la mer ou sont tués.

A l’aube du 14 septembre, le quai est jonché de cadavres et la mer pleine de noyés.  Les 2/3 de la ville sont brûlés mais le quartier turc du Mont Pagus est intact.

Pendant une semaine les réfugiés restent là sans aucune aide. Des voleurs repêchent les cadavres pour les voler.

60.000 familles (soit près de 300.000 personnes)  qui ne peuvent embarquer risquent d être déportées à l’intérieur du pays.

Kémal a ordonné de séparer les hommes de 17 à 45 ans et de les garder comme otages. Il ne reste plus donc que des femmes, des enfants et des vieillards.

Pendant ce temps, que s’est-il passé dans l’armée grecque qui a battu en retraite ?

Les généraux Plastiras, Gonatas et Phokas sont passés sur des bateaux grecs avec 75.000 h sur l’île de Lesbos (et Chios) et ils ont créé un COMITE REVOLUTIONNAIRE. Ils arrivent en Grèce et s’emparent du pouvoir car le pays est en pleine débâcle. L’ordre est rétbli et Vénizélos est envoyé comme représentant de la Grèce à l’étranger.

A Smyrne, suite à la menace de déporter les familles qui ne seraient pas parties dans l’intervalle d’une semaine, 350.000 réfugiés cassent les barrières et essaient de rejoindre à la nage ou sur des barques de pêche les bateaux neutres encore dans la rade mais les marins français et anglais les repoussent. Seuls les Italiens (et 1 bateau japonais) acceptent de prendre les réfugiés à bord et 8 bateaux italiens quittent le port avec 43.000 personnes.

300.000 réfugiés vont être sauvés, en 15 jours, grâce à l’initiative du pasteur Asa Jnning aidé par Esther Lovejoy. Il obtient des nouvelles autorités turques l’autorisation d’évacuer les réfugiés. Il paie un navire marchand italien pour aller à Lesbos où il trouve 20 bateaux grecs à quai. Après de longues négociations, il obtient l’autorisation de rapatrier les réfugiés. Responsable de la flotte, il revient à Smyrne et planifie le sauvetage des réfugiés restants. Le 1er octobre 2022, les marines alliées, avec l’accord de Kémal, rapatrient les derniers réfugiés.

BILAN : 10.000 morts (Grecs et Arméniens surtout)

           Les 2/3 de la ville sont rasés

           Le 8 octobre : L’évacuation est terminée

Une semaine plus tard, les troupes grecques quittent la Thrace. Les villages se vident et c’est un nouvel afflux de 80.000 réfugiés qui arrive en Grèce en JANVIER 1923

LE PROCES DES SIX  6 généraux responsables du désastre grec sur 8 sont condamnés et exécutés.

 

LA FIN DU CONFLIT

a)   ARMISTICE DE MOUDANYA (11 octobre 1922)

-         Les Alliés contrôlent la Thrace orientale et le Bosphore.

b)   TRAITE DE LAUSANNE 24 JANVIER 1923

-         La Turquie retrouve ses limites actuelles. On ne parle plus d’un état kurde ou arménien). Elle retrouve aussi toute l’Anatolie et la Thrace orientale.

-         Le gouvernement de Kémal est reconnu.

-         Le 1er mai 1923 un échange obligatoire de population est décidé entre les Turcs orthodoxes et les Grecs musulmans Des exceptions permettent à 300.000 Grecs environ de rester à Istanbul et à 230.000 Musulmans de rester en Thrace Occidentale.

 

LES REFUGIES EN GRECE

Le processus de rapatriement se fait sur un critère religieux et non racial (métissage des populations). Ainsi on va déplacer 1,5 M de Grecs contre 300.000 Musulmans.  L’évacuation des Musulmans doit se faire 6 mois avant celui des Orthodoxes. La Commission d’installation des réfugiés va s’occuper de leur installation dans le pays Les Grecs déplacés s’installer en Attique (Athènes), en Thrace Occidentale et en Macédoine.

La Grèce (petit pays de 4 millions d’habitants) reçoit en 1 an, 1.250.000 exilés qu’elle est obligée au début de placer dans des centres dans différentes villes et villages. Mais on constate, dans ces villages, 1000 décès par jour suite à la propagation du typhus et de la variole.

- Le 1er mai 1924 : L’évacuation des Musulmans est finie

- En décembre 1924 : Ils sont environ 1.500.000 réfugiés grecs à être installés en Grèce dans des camps de tentes autour des grandes villes (Athènes, Thessalonique) et à souffrir de la FAIM, du FROID et de l’INSALUBRITE (marécages en Macédoine donnant la malaria) mais la Grèce trouve avec eux une nouvelle main d’œuvre robuste de cultivateurs et d’ouvriers (soie, tapis, poterie, argile). Dès qu’ils voient des terrains en friche ou des maisons abandonnées ils construisent des maisons et peu à peu naissent de nouveaux quartiers (Néa Smyrni, Néa Ionia etc.) Peu à peu, ces réfugiés vont arriver à s’intégrer en apportant leur culture (chants d’Asie Mineure appelés « rébétiko »)

 

FACTEURS EXPLICATIFS DE l’ISSUE DU CONFLIT

 

REUSSITE DES GRECS : (1ère année)  Les Alliés occupent les Détroits (Turcs  sont coupés de leur région la plus riche)

                                             Les Turcs se battent en Cilicie contre les Français et contre les Arméniens du Caucase

 

DEFAITE DES GRECS : Perte de ses alliés à partir de l’automne 1920. Aucune puissance ne veut continuer à faire la guerre. On signe des traités et la Grèce se bat seule.

                             Erreurs stratégiques de commandement (généraux inexpérimentés sans but ni tactique précise). Les soldats sont loin de leur base de ravitaillement et fatigués.

                             Manque de motivation précise. L’Asie Mineure n’est pas considérée à l’époque comme grecque. Pas de désir de conquête. Les Grecs veulent juste faire signer par Kémal le Traité de Sèvre.

                             Agitation politique à l’intérieur du pays.

 

REUSSITE DES TURCS : Aide des Russes d’abord puis et surtout aide des Français et des Italiens ( la Grèce est considérée comme un  « client » de la Grande Bretagne)

                              Bons généraux expérimentés

                              Excellente motivation : Ils se battent sur leur territoire et pour leur territoire contre une politique colonialiste des Alliés et de la Grèce.  Ils défendent la « Cause de l’Orient »